PIERRE OZER

PIERRE OZER

L'autre accouchement

Dans une maison de naissance, on choisit de redonner à l'enfantement toute sa dimension humaine. Avec l'aide de sages-femmes, loin de toute médicalisation excessive.

 

C'était un dimanche éclaboussé de soleil, une journée magnifique en bord de Meuse non loin du brouhaha du marché de la Batte. C'était à la "Maisonnée", une maison de naissance liégeoise apparue il y un peu plus de trois ans. A cet endroit, j'ai donné la vie le 4 mars dernier à une splendide petite fille...

Si je livre ce témoignage, que je vais vous raconter encore aujourd'hui avec beaucoup d'émotion, c'est pour lancer un message fort à toutes les futures mamans et tous les futurs papas qui souhaitent se réapproprier ce moment qui, finalement, il faut le dire, nous appartient et qu'on a trop souvent tendance à nous enlever, peu à peu...

 

Dans une maison de naissance, on choisit de redonner à l'enfantement toute sa dimension humaine. Ce sont des sages-femmes qui nous soutiennent dans un projet, celui d'accoucher en toute harmonie, sans médicalisation excessive, dans un lieu intimiste qui permet, sans jugement, d'accoucher dans la position que l'on désire, en fusion avec le futur papa dont la présence devient indispensable. Ce dernier devenant acteur et non spectateur. Sa mission est d'aider sa moitié à d'abord faire face aux contractions, à ne pas la laisser se submerger par la douleur, puis à la soutenir moralement et physiquement afin qu'elle atteigne son objectif : celui de donner la vie sans péridurale et ce, sans que cela devienne une souffrance atroce. Et, croyez-moi, cela est possible.

 

En effet, le futur papa et la future maman sont tous deux longuement préparés psychologiquement et physiquement par les sages-femmes avant la naissance. Il se crée alors une relation de confiance essentielle entre ces professionnelles et les protagonistes. Et quand arrive le moment de la naissance, moment que le bébé aura choisi, nous nous retrouvons face à ces personnes connues qui se sont engagées à être présentes le jour de l'accouchement.

 

Cette relation de confiance aide à faire sortir de chaque femme l'assurance qu'elle a en elle afin d'accéder à ce magnifique objectif : donner la vie en vivant pleinement et sereinement ce magnifique moment qui devient notre histoire.

Ces sages-femmes nous aident donc à aller jusqu'au bout. Elles ont les qualités humaines nécessaires pour arriver à cela : tact, gentillesse, douceur, beaucoup de tolérance et, surtout, elles croient en la force de la future maman et nous rassurent tout au long de l'accouchement. Tout ceci est beaucoup plus important qu'on ne le croit. Sans cette confiance en elles, en moi et en mon bébé, je n'y serais pas arrivée.

 

Lorsque ce projet, l'un des plus beaux de ma vie, fut atteint, j'ai ressenti des sentiments purs gravés en moi pour très longtemps : la fierté, la valorisation personnelle et la reconnaissance de la part de mon compagnon et des sages-femmes qui m'ont aidée jusqu'au bout.

Ce qui est extraordinaire en accouchant dans une maison de naissance, c'est l'attitude de ces sages-femmes qui, sans artifices, sont là, très présentes, rassurantes et vigilantes pendant l'accouchement. Et lorsque l'émotion première s'est décantée, elles nous disent avec une infinie douceur : "on va vous laisser dans votre intimité". Et c'est à ce moment précis que commence la relation fusionnelle entre le nouveau-né, la maman et le papa.

Nous sommes restés là dans notre cocon sans plus avoir aucune notion du temps. Car dans cet environnement, une fois l'urgence médicale passée, on décide de laisser aux parents le temps de savourer pleinement et sereinement leur bonheur.

 

Voilà, j'espère avoir transmis au travers de ce témoignage ma joie immense d'avoir vécu cette expérience unique si particulière qui a fait de cet accouchement un événement inscrit à tout jamais dans ma mémoire corporelle et dont je retire une grande fierté et un grand bonheur : celui d'avoir offert une si belle naissance à ma fille avec le moins de stress possible, avec tant d'humanité, et avec un si grand respect de sa personne et de son rythme.

 

Mais ne vous méprenez pas, contrairement aux idées véhiculées dans notre société, je ne suis pas irresponsable ! En effet, de nombreuses études scientifiques réalisées aux Pays-Bas, où cette pratique est courante, aux Etats-Unis ou ailleurs prouvent que le taux de mortalité à la naissance n'est pas différent entre les accouchements à domicile ou en maison de naissance et à l'hôpital.

Comme dans toutes choses, il faut prendre des mesures de précaution. Ici, la grossesse a été simultanément suivie par les sages-femmes et par un rare gynécologue disposé à suivre ce type de grossesse sachant que la naissance se fera en dehors d'un hôpital. Et si, à l'aube même de l'accouchement, un soupçon de risque potentiel est décelé, la naissance sera donnée en milieu hospitalier.

 

On le sait, l'usage de la péridurale est généralisé dans les hôpitaux. On fait croire à la future maman qu'elle doit subir ce type d'anesthésie car elle ne serait pas capable de faire face à la douleur. Et elle assiste alors à son accouchement. Or, si un événement doit être vécu et non subi, c'est bien son accouchement ! Mais la vérité est qu'une femme sous péridurale est bien sûr plus facilement manipulable. Cette intervention permet de retarder ou d'accélérer l'accouchement en fonction des souhaits du corps médical. C'est pour cette raison qu'il y a tant d'accouchements provoqués artificiellement par des hormones, souvent sans raison médicale mais plutôt par facilité d'organisation. On le sait aussi, certains gynécologues ou hôpitaux pratiquent de manière abusive la césarienne. Car nous sommes dans un système aseptisé et formaté qui veut faire croire à la femme enceinte qu'elle est malade et qui néglige que l'accouchement est l'événement le plus naturel qui soit !

 

En conclusion, je souhaite donc dire à toutes les futures mamans qui veulent vivre pleinement et en toute harmonie leur accouchement : "allez-y, faites-vous confiance, à vous et à votre bébé, car l'amour que chaque femme porte à son enfant la mène vers des limites extraordinaires et insoupçonnées !".

 

Ne pensez-vous pas que tout ceci vaille la peine d'être vécu ?

 

Charlotte WILLEMS (Maman de Juliette, Lucien et Chloé, et ma charmante épouse), La Libre Belgique, 5 juin 2007.

 

 

Pour avoir la version pdf de cet article, envoyez-moi un mail: pozer@ulg.ac.be

 

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05/06/2007
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