Des pubs à l'envers [La Libre Belgique]
Des pubs à l’envers
Gilles Toussaint
La Libre Belgique, 18/01/2010, p.2
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Les règles en matière d’information sur la pollution des véhicules dans les pubs ne sont toujours guère respectées. Un nouveau texte se profile.
En psychiatrie, il est probable que l’on évoquerait la schizophrénie. Tandis que les constructeurs présents au Salon de l’auto déroulent le "tapis vert" à leurs modèles présentés comme étant plus écologiques les uns que les autres, le débat sur la mention des émissions de CO2 des véhicules dans les publicités n’en finit pas de rebondir.
Bref rappel des faits : début 2008, le chercheur Pierre Ozer (Université de Liège) déposait plainte contre une série d’affiches publicitaires, estimant que celles-ci ne respectaient pas les critères de visibilité et de lisibilité s’appliquant aux informations liées au niveau de consommation et de pollution des véhicules présentés. Critères définis par une directive européenne transcrite en droit belge.
Quelques mois plus tard, après avoir contesté ces allégations, la Fédération belge de l’automobile et du cycle (Febiac) finit par reconnaître certains problèmes et, à la demande du Jury d’éthique publicitaire (JEP) et du SPF Economie, présente une nouvelle mouture plus restrictive de son code en matière de publicité (précisant la taille minimale des caractères, le positionnement de ces infos, etc.). Code qui est d’application à partir du 1er septembre 2008.
En avril 2009, c’est au tour de la Commission européenne d’entrer dans la danse. Dans une mise en demeure adressée à notre pays, celle-ci estime en effet que le code en question "excède la marge d’interprétation dont disposent les Etats membres" et par conséquent que la Belgique est en infraction par rapport à la directive. Le gouvernement était invité à répondre à ces observations avant le 14 juin dernier. L’Europe attend toujours...
Entre-temps, le député fédéral Jean Cornil (PS) a déposé deux propositions de loi en la matière. La première suggère notamment que 20% de l’espace de la documentation promotionnelle soit réservé aux informations relatives à la consommation d’énergie et aux émissions de CO2. La seconde envisage d’interdire la promotion de toute voiture dont les émissions de dioxyde de carbone dépassent la moyenne de l’ensemble du parc automobile privé en Belgique. Une disposition qui vise essentiellement les 4X4 et autres SUV.
Ces propositions ont donné lieu à des discussions animées en commission Santé publique et Environnement de la Chambre. Il y a une dizaine de jours, un nouveau débat sur ce thème y était organisé. "J’ai invité une nouvelle fois M. Ozer qui a apporté la démonstration que la situation n’a guère changé. Ni le code Febiac, ni l’arrêté royal ne sont appliqués correctement", explique Jean Cornil. "Le représentant de la Febiac a pour sa part déclaré que l’organisation faisait respecter ses règles par ses membres (les constructeurs, les importateurs et les sous-traitants, NdlR), mais qu’elle ne représentait pas l’ensemble du secteur automobile". Et que les pubs litigieuses ne concernaient que les journaux gratuits de type "toutes boîtes" et émanaient directement de concessionnaires. "Suite à l’audition d’un spécialiste en psychologie comportementale, poursuit le député, j’ai décidé de proposer un amendement afin que le niveau de pollution soit plutôt illustré par une échelle colorimétrique allant du rouge au vert afin de mieux capter l’attention du public". Un bon dessin vaut, dit-on, mieux qu’un long discours.
Pour sa part, Pierre Ozer n’en démord pas. "En août dernier, le JEP m’a donné raison après le dépôt de plusieurs dizaines de plaintes concernant chaque fois des publicités différentes. Et là, près de 180 nouvelles plaintes vont lui être envoyées concernant des publicités parues depuis le début de cette année. Il ne s’agit pas seulement de "toutes boîtes" et près de trois-quarts des pubs des constructeurs que j’ai relevées ne respectent pas le code." Sauf, étonnamment, quand un bilan CO2 favorable donne droit aux primes mises en place par les pouvoirs publics.
Du côté du cabinet du ministre Magnette, en charge de l’Environnement et de la Protection des consommateurs, on explique qu’un nouveau texte est en cours de négociation avec les ministres Laruelle et Van Quickenborne et devrait être approuvé rapidement. En grande partie basé sur le code Febiac, il améliore ce dernier en rendant l’information plus lisible. Son adoption définitive devrait aboutir vers le mois d’avril. Le nouvel arrêté sera alors envoyé à la Commission européenne. "Mais si la pub a effectivement une influence, le véritable enjeu reste avant tout de construire des voitures à chaque fois moins polluantes", souligne la porte-parole du ministre.
Il semble décidément plus simple d’afficher des photos de cancéreux sur les paquets de cigarettes que de mentionner clairement le niveau de pollution d’un véhicule dans une publicité. Allez comprendre.
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