Des pubs auto un peu trop millimétrées [La Libre Belgique]
Gilles Toussaint
Chercheur au département des sciences et gestion de l'environnement de l'Université de Liège, Pierre Ozer n'en démord pas : la plupart des affiches publicitaires pour les voitures qui fleurissent ici et là sont illégales au regard de la loi. "Tant la directive européenne qui définit les critères en la matière (lire l'encadré) que l'arrêté royal qui transpose celle-ci dans le droit belge sont très clairs, les informations portant sur la consommation et les émissions de CO2 du véhicule doivent être aussi visibles et aussi lisibles que le message principal figurant dans la publicité. Or ce n'est quasiment jamais le cas", commente l'intéressé, précisant que, s'il s'est focalisé sur les panneaux d'affichage, cela vaut également pour les pubs diffusées via les magazines et les journaux.
Des mentions très discrètes
Fort de ce constat, Pierre Ozer s'est donc armé de son échelle et de son mètre ruban, histoire d'ausculter une série d'affiches publicitaires vantant les mérites des modèles de différentes marques (Jaguar, Mazda, VW, Audi, Opel, Toyota, Nissan...). "Pour ne prendre que l'exemple le plus absurde, sur une affiche de 38 m2 de la marque Jaguar, les mentions sur le carburant et le CO2 sont en caractères de 7 millimètres. Dans d'autres cas, elles peuvent faire 10 ou 12 mm, mais être imprimées verticalement sur le côté de l'affiche. C'est impossible à lire".
Sur base de ces arguments, le chercheur a donc déposé une série de plaintes auprès du Jury d'éthique publicitaire (Jep). Mais, après examen du dossier, celui-ci estime ne pas pouvoir formuler de remarques concernant les affiches en question, arguant notamment du fait que "l'arrêté royal applicable ne contient aucune disposition relative à la taille des caractères que doivent présenter ces mentions où à l'endroit où celles-ci doivent être placées". Une réponse qui ne satisfait pas Pierre Ozer, qui s'est donc pourvu en appel avec un dossier étoffé, s'appuyant notamment sur l'expertise d'un ophtalmologue réputé de l'Université de Liège.
"Suite à ce recours, le Jep m'a invité à participer à une réunion qui se tiendra le 14 mars et où seront présents les représentants de la Fédération belge de l'industrie de l'automobile et du cycle (Febiac). Parallèlement, j'ai également déposé plainte auprès de la DG contrôle et Médiation du SPF Economie qui est normalement chargée de rechercher et de constater les infractions de ce genre, mais ils ne semblaient pas très au courant. Ils m'ont répondu que ma demande serait suivie, mais ils ont, semble-t-il, d'autres priorités".
Mais l'affaire pourrait ne pas en rester là. Interrogés par le magazine "Imagine", qui révèle cette information, deux avocats spécialisés en droit de l'environnement estiment en effet que sur base des constats du chercheur liégeois, des actions devant le tribunal des référés intentées par des associations de défense de l'environnement sont tout à fait susceptibles d'aboutir. Le constructeur visé pourrait ainsi être contraint de retirer toutes ses affiches ou d'y ajouter des mentions bien plus visibles.
Bien décidé à aller au bout de sa démarche, Pierre Ozer n'exclut d'ailleurs pas cette possibilité, avec l'appui d'associations comme Inter-Environnement Wallonie ou les Amis de la terre.
Conscient du fait que ce dernier avait mis le doigt sur une faille juridique potentiellement explosive, un groupe d'ONG s'apprête d'ailleurs à lancer une campagne invitant les citoyens à imiter le chercheur en déposant plainte à leur tour contre les affiches publicitaires qui leur paraîtraient illégales. Un site Internet visant à faciliter ces démarches a été développé à cette fin et une action de sensibilisation doit avoir lieu ce vendredi à Bruxelles. Des plaintes auxquelles les associations entendent donner des suites politiques voire judiciaires, tant à l'échelle belge qu'européenne.
Article de Gilles Toussaint dans La Libre Belgique, pp.1 et 5.
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