Je suis un Monstre
Il pleut, tout doucement, sans trêve.
Il pleut, un peu à contre cœur, mais avec une patience infinie, comme tout au long de la vie.
Un matin, au réveil, je fis entendre « mon cri », comment dire, une espèce de piaillement, de piaulement, ou plutôt de miaulement, ou plutôt d'aboiement… ou bof, plutôt un rugissement, un beuglement, un meuglement… ou plus exactement une sorte de barrissement, oui, c'est le mot, une espèce de piaillement…
Mais, qu'est-ce qu'il a dit ?
Qu'est-ce qu'il a voulu dire ?
Qui, Qui ?
Je suis un monstre, tu es un monstre, nous sommes des monstres.
Qui ? Qui ? Qui est qui ? Oh Oh !
« Je suis un monstre » !
Absurdité, monstrueuse absurdité !
Je suis un jeune lardon caractériel, qui pisse des larmes de crocodile, dans un de ces spectacles de guignol misérabiliste pour vieux croûtons d'hospice ! ! !
C'est cela, je suis un monstre, né dans un monde fantasmagorique, peuplé d'hommes agités, fébriles.
Oui, c'est cela, une communauté de fous.
Il y a des corps à l'envers, en oblique, en apesanteur qui vivent à du 200 à l'heure.
Il y a des corps qui disparaissent, d'autres qui apparaissent.
Il y a des corps difformes, secoués par une frénésie organique qui fait fi de toute logique.
C'est un véritable capharnaüm, il y a des convulsions saccadées, des rires étranglés. Il y a des sanglots hoquetés.
Mais il pleut, tout doucement, sans trêve.
Il pleut, un peu à contre cœur, mais avec une patience infinie, comme tout au long de la vie.
Mais les saisons passent. C'est l'hiver et puis l'été. Et ça recommence, doucement, sans fin. « Je suis un monstre ».
Et j'apprends à parler. Et j'apprends à m'inscrire en tant que monstre parmi les monstres de ma lignée.
Car pour Lacan : « L'inconscient est structuré comme un langage et, dans l'inconscient, il y a le discours de l'autre ».
Mais, qu'est-ce qu'il a dit ?
Qu'est-ce qu'il a voulu dire ?
Qui, Qui ?
Qui est qui ? Je suis moi, je suis l'autre, je suis un autre.
Qui ? Qui ? Oh Oh !
Alors je me suis courbé, courbé sur un miroir réfléchissant ma propre image ! « Je suis un monstre » … Je suis décérébré, sans âme, sans corps.
Je suis un monstre réduit à mon langage, à des opinions toutes faites.
Je suis un blablabla, démonstratif, explicatif, je suis un bric-à-brac. Je suis une marionnette fracturée, ciselée, incisée, chosifiée.
Mon âme est « en fugue ».
Je suis mal dans ma peau.
Il pleut, tout doucement, je m'allonge confortablement dans mon adolescence comme dans un transit. Je suis mélancolique. Je m'interroge. Je souffre. Je ronronne dans le conformisme de quelques idées banales.
« Il va crever le monde_
La politique est sale et crapuleuse_
Le cœur de l'Homme est creux et plein d'ordures_
Le sida est la peste de ce siècle_
La drogue est un fléau universel_
L'histoire n'est décidément qu'un cortège d'Hommes et l'Homme un animal monstrueux »
Et cela me coagule la cervelle et le sang.
Les paupières m'en tombent comme du béton… et telle une évidence, l'envie de ne « rien faire ».
Et il pleut, tout doucement, et mon âme a la grippe.
Et comme antidote aux poisons de ce monde moderne, je deviens un dandy, un frimeur, vous comprenez, un dandy, un frimeur.
Car vous comprenez, chers amis, que ce qui émeut jusqu'aux tréfonds de l'être, ce ne sont pas les tensions de l'âme dans son douloureux dialogue avec l'univers pourri, mais la question de savoir si nous devons, nous les Hommes, nous les Hommes d'aujourd'hui, « les monstres », porter un « Prince de Galles » ou un « pied-de-poule » avec trois boutons ou une double rangée de boutons.
Mais « ceci » ou « cela » n'est qu'une béquille pour l'âme… et mon âme continue à boiter ! ! !
Vous comprenez, chers amis, que vous assistez, ici, en direct, « reality show », à l'histoire d'un adolescent qui se fait Homme et acquiert une nouvelle vision des choses et que cela ne s'opère pas sans quelques désillusions.
Mais, qu'est-ce qu'il a dit ?
Qu'est-ce qu'il a voulu dire ?
Qui, Qui ?
Qui est qui ? Il est lui, il est un autre.
Je est un autre.
Qui ? Qui ? Oh Oh !
Ce que j'ai dit, c'est que je suis un monstre et que cette société que je déteste n'est pas le produit du hasard, mais le résultat de toute une tradition de monstres, d'ignorants, de fatigués, de conformistes, de lâches, de mal-compris, de mal-aimés, des isolés rassemblés.
Vous êtes des monstres, vous, là assis devant moi, vous les isolés rassemblés, les « demi-sommeil » en « demi-veille ». Vous êtes le symbole des angoisses d'un monde assoupi. Vous êtes le « silence des agneaux ». Vous êtes des complices. Vous êtes des témoins.
Il faut se réveiller à tout prix, même au prix d'un drame.
Mais, qu'est-ce qu'il a dit ?
Qu'est-ce qu'il a voulu dire ?
Qui, Qui ?
Qui est qui ?
Je suis un monstre, vous êtes des monstres.
Qui ? Qui ?… Qui est qui ? Oh Oh !
Ici s'achève mon parcours initiatique, ma quête, ma conversion, ma métonia, mon retournement qui est physique et métaphysique. Je suis un Homme et j'ai envie de faire dérailler le « train-train » de la routine humaine.
Il n'y a qu'une chose qui puisse nous sauver, nous les Hommes, « la désobéissance ».
Il faut désobéir. Il faut se redresser. Jeter nos masques. Jeter vos montres et prenez le temps pour sortir de cet immobilisme.
J'en appelle à une vie « autre », arrachée aux laideurs, aux médiocrités, et à la bêtise du monde moderne ou le centre commercial a remplacé la place publique. J'en appelle à une vie « autre », car il y a l'odeur d'un sous-bois après la pluie. J'en appelle à une vie « autre », car il y a les variations infinies d'un sourire ou le charme d'un point de beauté sur le visage.
Vous êtes la vie. Vous êtes la pluie. Vous êtes le soleil. Vous êtes le vent. Vous êtes la physique des choses d'un monde nouveau.
Debout !
""Mais, qu'est-ce qu'il a dit ?
Qu'est-ce qu'il a voulu dire ?
Qui, Qui ?
Qui est qui ? Je suis moi, je suis l'autre, je suis un autre.
Qui ? Qui ? Oh Oh !""
comme si vous étiez Raymond Babbitt (Dustin Hoffman) dans le film Rain Man de Barry Levinson...
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