La désertification, un faux problème ? [Cafés Géographiques]
Pierre OZER, 2006. La désertification : un faux problème ?. Cafés Géographiques. Rubrique Vox geographi. Article N°880.
Article plus long que dans la presse mais accessible au grand public. En voici la conclusion:
La désertification reste une grande problématique. Bien plus pour ceux qui en subissent les affres au quotidien que pour les scientifiques qui alimentent la polémique. Ces derniers vont jusqu'à dire que la désertification au Sahel n'est pas vraiment aussi problématique que ce que d'aucuns pourraient estimer. Mais, y avait-il un sahélien dans les personnes consultées ? Non, la réalité est que les recherches menées sur la désertification au Sahel sont réalisées à plus de 90% par des chercheurs américains ou européens.
Et pendant ce temps, plusieurs indicateurs restent désespérément dans le rouge. Près de la moitié du Sahel a connu une dégradation significative de ses ressources environnementales au cours de ces vingt dernières années, et ce malgré une forte amélioration pluviométrique. De plus, il s'avère que la production céréalière totale par habitant s'est dégradée avec le temps, ce qui rend les populations sahéliennes toujours plus vulnérables aux caprices de la nature. Sachant que cette population devrait encore doubler d'ici à 2030, on est en droit de se demander si le pire n'est pas à venir. Car le problème de la faim au Sahel n'est plus une question de mauvaise conjoncture pluviométrique mais devient progressivement structurel. Au Niger, le nombre de sous-alimentés est passé de 1,6 million durant les premières années de sécheresse (1969-1971) à 3,7 millions au début des années 2000 alors que les précipitations étaient redevenues normales. Par ailleurs, la fréquence et l'intensité des lithométéores, considérés comme un indicateur de désertification, ont augmenté de manière extraordinaire au cours des 50 dernières années et leur présence régulière menace la santé humaine.
Quand des communautés entières sont contraintes à épuiser leurs ressources naturelles pour assurer leur survie, la gestion durable des sols ne peut constituer une priorité. Mais arrive un moment où, faute de terres arables en suffisance pour faire pousser leurs récoltes ou pour élever leur bétail, beaucoup doivent se résoudre à migrer. Les déplacements des réfugiés environnementaux s'amplifient chaque jour. Après Ceuta, Melilla et Lampedusa, pas moins de 500 000 personnes se massaient le long des côtes mauritaniennes en mars 2006 pour tenter d'atteindre les îles Canaries et leur rêve d'Europe. Et ce n'est qu'un début car, selon les Nations unies, près de soixante millions de personnes quitteront les zones arides sub-sahariennes affectées par la désertification pour l'Afrique du Nord et l'Europe d'ici à 2020. Bien sûr, ces chiffres sont des approximations. Bien sûr, ces chiffres ne sont ni contrôlés, ni vérifiés. Bien sûr, ces chiffres peuvent être critiqués car ils dissimulent peut-être des intérêts cachés. Et bien sûr, le recours à ces chiffres porte peut-être un discours que certains qualifient de « compassionnel ». Mais la réalité est qu'un grand nombre (sans plus citer de chiffres) d'êtres humains risquent leur vie en restant sur des terres devenues stériles et préfèrent alors tenter une traversée d'un désert, puis d'une interminable étendue d'eau. Une traversée qui s'apparente à une loterie. Pour s'en rendre compte, il suffit de se balader actuellement le long des plages aux alentours de Nouadhibou pour voir les corps ramenés par la mer de ces « joueurs » qui ont perdu...
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