Le poids des morts [La Libre Belgique]
Avec l'objectif d'atténuer les répercussions de catastrophes d'origine naturelle ou humaine sur la vie des gens et la propriété, la Charte internationale «Espace et catastrophes majeures» a été créée fin 2000. Son objectif est de délivrer gratuitement, via Internet, des données satellites en temps quasi réel permettant d'identifier les zones touchées par ces désastres. Ces documents sont de plus en plus souvent utilisés pour orienter les équipes de secouristes qui oeuvrent sur le terrain.
Incontestablement, elles ont été d'une grande utilité pour la gestion des crises consécutives au séisme de Bam en Iran (2003), au tsunami dans l'Océan Indien (2004) et, plus récemment, durant l'ouragan Katrina en Louisiane. La Charte a bien sûr été activée suite au séisme qui, le 8 octobre 2005, a ravagé le Pakistan septentrional, causant plus de 51300 morts, 74500 blessés, et laissant plus de trois millions de personnes sans abri.
Le 10 octobre, les premières images sont publiées sur divers sites Internet des Nations unies. Mais, pour la première fois sur plus de septante activations de la Charte, elles seront retirées quatre heures plus tard sur ordre des autorités pakistanaises. Motif invoqué: il ne faudrait pas rendre publics d'éventuels dégâts aux infrastructures militaires. Suite aux différentes pressions provenant d'Etats et d'organisations humanitaires, un accord a été trouvé et les images ont été à nouveau librement accessibles huit jours plus tard, soit le 18 octobre. Et pendant ce temps, sans indication, les secours terrestres ont buté sur des routes coupées par des glissements de terrain. Pendant ce temps, de multiples fractures ouvertes n'ont pas été soignées, elles se sont infectées et les membres touchés ont dû être amputés. Pendant ce temps, les survivants sous les décombres ont eu le loisir de voir venir la mort, doucement. Pendant ce temps, cette puissance nucléaire a délibérément fait le choix de délaisser des dizaines de milliers de blessés pour servir des intérêts militaires. Sans commentaires...
Pierre OZER & Marianne VON FRENCKELL, La Libre Belgique (Belgique), 26 octobre 2005.
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