Sommet de Copenhague: Que veut l'Afrique? [La Libre Belgique]
Sommet de Copenhague : Que veut l'Afrique ?
Article paru dans
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Les pays pauvres sont moins armés pour faire face aux changements climatiques. Ils revendiquent une "justice climatique" avec des mécanismes de compensation. Est-ce juste ? Est-ce trop ? Ils se heurtent au mode de vie non négociable des nantis.
Ce lundi 14 décembre 2009, au Sommet de Copenhague, le Groupe Afrique, soutenu par le G77 (pays en développement, y compris
Mais que veut donc l'Afrique et, en règle générale, le G77 ?
Les pays du Sud soulignent la responsabilité historique des pays du Nord dans les émissions anthropiques de GES, réclament une « justice climatique » avec la mise en place de mécanismes de compensation et d'adaptation aux effets des changements climatiques et exigent des pays développés une réduction de 40 pc de leurs émissions de GES d'ici 2020 par rapport à 1990.
Ces revendications sont-elles exagérées ?
Rétroactes. En 1990, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), dans son premier rapport de synthèse, annonçait déjà qu'il existait un risque réel que les activités humaines, notamment la consommation de charbon, de pétrole et de gaz, puissent modifier l'environnement de la planète d'une façon jusqu'alors inédite et avec de lourdes conséquences pour nos sociétés. Le message était sans équivoque : « L'avenir du monde est menacé ». Depuis, grâce au développement extraordinaire des technologies de traitement de l'information et à la multiplication des satellites d'observation de
En 1992, se tenait
En 2007, les conclusions scientifiques du dernier rapport du Giec estiment que, pour éviter le pire, c'est-à-dire ne pas dépasser une augmentation globale « ingérable » des températures de 2,0 à
Ainsi, pour ce qui est du principe de précaution, il est acquis –diplomatiquement et scientifiquement– depuis au moins deux décennies que les émissions de GES menacent notre planète.
En ce qui concerne le principe des responsabilités communes mais différenciées, selon les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie, il s'avère que, de 1990 à 2007, les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde, soit les pays développés) ont émis dans l'atmosphère 53 pc du CO2 lié à la seule combustion d'énergie fossile alors même qu'ils ne représentent que 19 pc de la population mondiale. En d'autres termes, un habitant du Nord a émis près de cinq fois plus qu'un habitant du Sud… Et ceci en estimant que les pays du Sud forment un ensemble homogène, ce qui n'est pas le cas. Ainsi, il faut treize africains pour émettre le CO2 d'un habitant du monde industrialisé. Si maintenant, nous comparons ces émissions totales de CO2 entre
Quant aux exigences du Groupe Afrique (et du G77) par rapport à une réduction des émissions de GES des pays du Nord de 40 pc d'ici 2020 par rapport à 1990, elles sont simplement calquées sur les conclusions scientifiques du dernier rapport du Giec mentionnées plus haut. Or, les engagements actuels des pays développés vont, au maximum, de -30 pc pour l'Union européenne à « rien » pour l'Australie, en passant par -25 pc pour le Japon et -4 pc pour les Etats-Unis. Il n'y donc pas de terrain d'entente possible…
Notons que si les pays pauvres en PIB tout comme en émissions de GES sont hautement préoccupés par ces changements climatiques, c'est parce qu'ils sont les moins bien armés pour y faire face. En effet, les plus vulnérables subiront les effets dramatiques tantôt des sécheresses, tantôt des inondations et autres événements climatiques extrêmes, tantôt de l'élévation du niveau de la mer ou encore de l'extension des déserts. C'est bien la raison pour laquelle ils revendiquent une « justice climatique » avec la mise en place de mécanismes de compensation et d'adaptation aux effets des changements climatiques.
Heureusement, l'Union européenne est bien consciente de sa « responsabilité historique ». Aussi, a-t-elle décidé de « dédommager les pays les moins avancés et les plus vulnérables » à hauteur de 7,2 milliards d'euros entre 2010 et 2012. Trois années durant lesquelles un peu moins de 5 euros par citoyen européen seront accordés aux résidents de ces pays du Sud pour lutter et s'adapter au réchauffement climatique, soit l'équivalent du prix d'un « Big Mac ». Lorsque l'on sait d'une part que les émissions de CO2 par habitant sur la planète devraient être de l'ordre de 4 tonnes pour contenir les effets du réchauffement climatique, que les émissions moyennes annuelles de CO2 pour chaque Belge sont de 10 tonnes (donc 6 tonnes en excès), que
La triste morale de cette histoire, c'est qu'il y a vingt ans, nous avons abattu le mur de Berlin pour mettre fin à ce monde bipolaire qui opposait l'Est à l'Ouest. Sur ces fragments, nous avons bâti un village planétaire où tout est devenu possible, même la consolidation d'un nouveau mur opposant le Nord au Sud alors que l'enjeu climatique est global. Absurdité… Monstrueuse absurdité…
Car dans la lutte contre le réchauffement climatique, soit on y va ensemble, soit on n'y va pas. Il y a près de vingt ans, au Sommet de
Epilogue le 18 décembre 2009… ou en 2010… ou …
Pierre Ozer
Département des sciences et gestion de l'environnement, Université de Liège
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